L’activation estivale du quai Ferdinand Favre s’inscrit dans le cadre de la saison déconfinée, initiée par l’association Territoire-Interstice installée sur le quai voisin. Il s’agit d’abord de créer un aménagement saisonnier et paysager pour renforcer les qualités et usages du site et d’en susciter de nouveaux. Sur cette base, prennent place des implantations ponctuelles lors d’animations et d’événements réguliers en lien avec les acteurs locaux. Les aménagements estivaux sont un premier pas pour préfigurer la piétonnisation du quai. Ils permettent aux usagers, riverains et visiteurs de porter un autre regard sur la promenade le long de l’eau, de se raconter de nouvelles histoires sur le territoire à l’embouchure de l’Erdre sur la Loire. La scénographie urbaine mise en place les invite à s’attarder autour de différents points de vue et usages des berges.
Que l’on arrive par le Quai Magellan ou par le Lieu Unique, la longue perspective de la route dégagée de toutes constructions et plantations est frappante. Elle scinde l’espace distinctement. D’un côté, des aménagements mobiliers et paysagers bordent la cité des congrès, de l’autre, un étroit quai en friche. Le mobilier qui se déploie joue de cette linéarité forte en allant dans le sens du canal. Il accompagne une promenade active et qualifie des espaces en relation avec le paysage. Dans un souci d’accessibilité d’urgence, il n’emprunte au site que son trottoir. La circulation piétonne s’en trouve décalée pour encourager l’usager à interagir directement avec la route. Ainsi, le linéaire aménagé attire l’oeil et invite à lever le pied pour profiter d’une pause ombragée. Répondant aux gradins édifiés par le SEVE de l’autre côté de la route, il peut servir d’espace scénique mais également de tribune en faisant de la rue l’espace de représentation.
Au-delà de la stratégie spatiale, l’unité et la cohérence de l’aménagement se retrouvent dans le choix des matériaux et leur mise en œuvre. La réflexion, menée en partenariat avec les services techniques du pôle Janvraie de la ville de Nantes, porte sur le langage construit de l’espace public et tire parti de son processus de fabrication. Comme tout chantier, la construction de la voirie laisse derrière elle des ressources à valoriser. Ainsi, une dizaine de tonnes de bordures en béton et en granite écartées du circuit, issues de surplus, mal calibrées ou légèrement abimées, ont pu être sauvées du concassage et restituées dans une production d’espace public de manière détournée. Ce travail de concert avec les forces vives de la Métropole permet à la fois de mettre le réemploi au coeur de la production urbaine et de tisser un lien entre des concepteurs de l’espace public et ceux qui le battissent et l’entretiennent au quotidien.
Les bordures en béton sont disposées régulièrement selon la trame proposée par le rythme des poteaux urbains existants. Par dessus, des couches alternées de platelages en bois et de blocs de granite sont superposées. Trois grandes plateformes étagées sont identifiables entre lesquelles se trouvent des ensembles de pierres et de bois plus chaotiques. Le tout convoquant l’imaginaire archéologique d’une ruine retrouvée et réinvestie. Les hauteurs d’usages étant définies par le format des pierres, le relief constitué interroge les postures du corps et appropriations possibles du mobilier. En partie haute, une longue toile légère et aérienne unifie l’ensemble et filtre la lumière. Elle ondule et se gonfle au gré des courants d’air, en éco à la surface de l’eau voisine. Sa colorimétrie, tantôt vive, tantôt fondue dans un ciel bleu, apporte une dimension balnéaire estivale au contexte urbain.
Photographies © – Collectif Gru